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Les collectivités locales en première ligne face au non-recours aux droits

10/05/2022

Actrices clés en matière d’accès aux droits sociaux, les collectivités locales déploient des actions centrées sur ce concept qui nécessitent une forte adaptation des organisations et des postures des agents.

Un phénomène coûteux…

Le non-recours est le phénomène inverse de la fraude aux aides sociales. Il ne bénéficie pourtant pas de la même exposition médiatique. Est-ce à dire qu’il serait moins problématique ou quantitativement plus marginal ? Bien au contraire, puisque si les aides sociales ne sont pas perçues par les ayants droit, c’est l’efficacité du système de protection sociale et de la politique publique qui devient douteuse.
En pratique, cette non-perception n’est pas synonyme d’économie de fonds publics dont il serait éventuellement possible de se réjouir. Le non-recours d’aujourd’hui entraîne même, à terme, une aggravation de la précarité et des dommages sanitaires ou sociaux dont le coût social sera plus élevé.

… et plus massif qu’on le pense

Quantitativement, le non-recours n’est pas facile à évaluer. Les personnes concernées ne sont pas toujours identifiables dans les bases de données existantes et les données sur le non-recours sont segmentées et dispersées entre de nombreux organismes. Depuis quelques années, les estimations attestent toutefois de son poids et il est non négligeable. Ainsi, selon une étude de la Drees de février 2022, en moyenne, un tiers des foyers éligibles ne recourent pas au Revenu de Solidarité Active (RSA) chaque trimestre. Sur plusieurs trimestres d’affilée, le taux non-recours durable s’établirait à 20 %. En valeur absolue, les sommes non-versées pour le seul « RSA socle » atteindraient 750 millions d’euros, par trimestre. Cela représente un montant environ 3 fois plus élevé que l’estimation de la fraude au RSA par la Cour des comptes à partir des évaluations de la CNAF (Caisse Nationale d’Allocation Familiale). Il ne s’agit là que d’une estimation a minima ne prenant pas en compte le non-recours à la prime d’activité qui s’ajoute éventuellement au « RSA socle ».
Rappelons également, pour se faire une idée des montants globaux en jeu, que le non-recours concerne bien d’autres aides : 34 % des personnes éligibles à la couverture santé solidaire pour la partie sans participation financière, entre 34 et 49% pour le non-recours au minimum vieillesse…

Des leviers pour réduire le non-recours

Méconnaissance des dispositifs existants et des conditions d’éligibilité, coût et complexité d’accès aux aides, effet stigmatisant du recours à ces « aides pour les pauvres »… les explications du non-recours sont diverses et différentes selon les aides, prestations ou services concernés (voir article parole expert). Elles peuvent être individuelles mais procèdent plus généralement de la complexité d’un système dans lequel cloisonnement institutionnel et morcellement des dispositifs empêchent la prise en charge globale et rapide des besoins des personnes.
Au plan national, les stratégies pour lutter contre le non-recours portent sur l’amélioration de l’information (site d’information, simulateurs de droits…) et sur la mise en place des méthodes de détection des publics mais aussi de « rendez-vous des droits » qui visent à faire le point sur les droits potentiels des allocataires.
Elles-mêmes pourvoyeuses d’aides sociales, les collectivités locales sont également incitées à s’emparer du sujet. Dès 2013, les Etats généraux du Travail Social ont acté la mise en œuvre du premier accueil social inconditionnel de proximité pour qu’à moins d’une demi-heure, tout habitant ait une réponse globale à ses besoins. Cette démarche est aujourd’hui renforcée par le déploiement de Maisons France Services regroupant, dans une logique de guichet unique, plusieurs administrations. Par ailleurs, en 2018, la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a posé le principe de l’expérimentation de "territoires zéro non-recours" (voir encadré).

Des initiatives qui partent du terrain

Actuellement, de multiples initiatives locales sur le non-recours se développent : journées, forums, séminaires sur le sujet ; ateliers de simplification des supports de communication avec des habitants, les rendez-vous des droits (RVDD), centre local d’information et de coordination (CLIC), « Point info handicap », « Relais info sur les services à la personne »… ; « guichet unique », « quotient familial municipal unique » ou « tarification sociale solidaire » en matière de transports publics ou d’accès à l’énergie, démarches « d’aller-vers » avec des permanences délocalisées et des dispositifs mobiles…
Départements et communes, via les CCAS, développent des actions d’une grande diversité. Cette hétérogénéité peut s’expliquer par les caractéristiques sociodémographiques des territoires, les choix techniques ou politiques, notamment dans des communes ayant des tailles et des cultures différentes. Les actions s’accompagnent aussi du développement d’une démarche partenariale entre acteurs très différents. « Pour contourner les contraintes budgétaires qui limitent leurs marges de manœuvre, les collectivités travaillent en réseau ou en partenariat. Cette structuration des actions permet de mutualiser des moyens, de viser une équité dans le traitement des publics à une échelle plus large et ne pas réserver l’action aux plus grandes collectivités territoriales, ce qui est l’un des principaux enjeux actuels, » explique Antoine Rode, chargé de recherche à l’Ordenore.

L’efficacité et la cohérence en question

Malgré cette mobilisation à tous les niveaux, année après année, le phénomène ne recule pas (voir Parole d’expert). « Cette grande diversité dans le type d’actions menées et les acteurs qui les portent empêche d’y voir clair dans la réalité de l’action sur le non-recours, déplore Antoine Rode. On a du mal à avoir une vue d’ensemble sur ce qui s’y pratique ». Ainsi, dans le cadre de la mise en place de l’accueil inconditionnel de proximité, le taux de couverture du territoire est la seule information de suivi dont dispose France Stratégie chargée d’évaluer la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. « On sait que ce taux de couverture est élevé mais on a peu de visibilité sur ce qui a changé dans les pratiques, sur les acteurs locaux réellement mobilisés et sur l’effet de la mise en œuvre de ces accueils sur l’accès aux droits des habitants. C’est pour cette raison que l’Odenore mène une étude sur l’accueil social, à la demande de la Commissaire à la lutte contre la pauvreté en PACA. »
Une chose est sûre, ces initiatives nombreuses ne font pas une politique publique cohérente, faute d’un pilotage stratégique et d’une animation par l’État, pourtant prévus dans les textes. « L’échelle locale, qui permet d’ajuster les actions sur le non-recours à la socio-démographie ou aux réseaux d’acteurs, est nécessaire mais pas suffisante. L’État a un rôle à jouer non seulement en garantissant aux acteurs locaux les ressources financières nécessaires à la mise en place d’actions mais aussi l’imbrication entre l’échelle locale et les autres échelles d’intervention. C’est ce qui permettra de favoriser une articulation plutôt qu’une superposition des actions, » explique Antoine Rode. La situation actuelle n’est donc pas satisfaisante et elle pourrait même être dommageable. « Le maquis de dispositifs et d’actions, l’ampleur du phénomène, la dématérialisation administrative à marche forcée, favorisent aujourd’hui l’apparition d’initiatives privées qui s’apparentent à une marchandisation du service public, alerte Antoine Rode. On voit déjà apparaître sur internet des offres de services promettant une aide rapide pour accéder à ses droits, contre abonnement, et qui se réclament de la lutte contre le non-recours. »

Adapter les organisations et les postures

De leur côté et en attendant que cette gouvernance se mette en place, les acteurs locaux impliqués face au non-recours doivent relever certains défis organisationnels et professionnels. Passer d’un traitement administratif des situations (instruction des droits, aide au remplissage de dossiers…) à une approche plus « globale » tenant compte de la spécificité et des besoins des personnes, suppose en effet d’adapter les postures et les organisations. La question de l’information et de la formation des agents d’accueil censés pouvoir expliquer les dispositifs et orienter les publics vers la multitude d’acteurs locaux, est posée. Compte tenu du caractère partenarial des actions à mener, il s’agit aussi de faire évoluer les organisations et les approches professionnelles pour rendre la coopération des travailleurs sociaux avec les administrations plus fluide. Autant d’enjeux majeurs de la qualité de la réponse apportée aux publics auxquels le CNFPT apporte déjà des réponses (voir article CNFPT).

*Observatoire des non-recours aux droits et services, une équipe de recherche de l’Université Grenoble Alpes dont les recherches en sciences sociales sont consacrées à ce sujet.

Les expérimentations territoires Zéro Non-Recours

Des amendements au projet de loi 3DS  ont permis, sur le modèle de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », de lancer une expérimentation « Territoires zéro non-recours » aux droits sociaux. Mises en place pour une durée de trois ans dans dix territoires maximum, ces expérimentations vont permettre de tester des modalités innovantes de lutte contre le non-recours dans des contextes locaux différents. A la clé, des enseignements précieux sur la mobilisation et la fédération des acteurs ainsi que la possibilité de documenter, labéliser et généraliser les meilleures pratiques… En attendant le décret d’application de la loi, 4 projets sont déjà lancés dans le cadre de la Stratégie pauvreté à Bastia, dans la Métropole lyonnaise (voir article sur le Centsept), dans le 10ème arrondissement de Paris, en Ardèche dans la Communauté de communes Draga.



Chiffres

750 000 000 € : les sommes non versées chaque trimestre au titre du RSA
Environ 33 % de non-recours pour le RSA
26 % : le taux de non-recours pour les allocations familiales
Entre 34 et 49 % : taux de non-recours à l'Allocation de solidarité aux personnes âgées en 2019 (ASPA, ou minimum vieillesse).
30% des retraités ne touchent pas l’intégralité de la pension à laquelle ils ont droit
Source : Rapport sur l’« état de la pauvreté en France 2021 ». Secours Catholique - Caritas France, étude de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV) citée dans Sécurité sociale 2021, Cour des comptes, Retraite et sociétés n°87 2021, Les dossiers de la Drees
N° 92 février 2022.

Pouvez-vous nous présenter le concept de non-recours ?

Avant de commencer à émerger dans le débat et les politiques publiques, la notion a fait l’objet de travaux pendant 25 ans. Elle a évolué dans le temps à mesure que son champ d’application s’est étendu, au-delà des prestations sociales, aux services (hébergement urgence, insertion), aux tarifications sociales, aux soins... Son évaluation est difficile et les montant évoqués le sont souvent a minima, car ils n’intègrent pas les droits et tarifications sociales associés aux aides financières. On constate une stabilité de son niveau dans le temps et sa cohérence avec la situation dans des pays européens comparables, ce qui, au passage, ne confirme pas l’idée d’une « souffrance administrative » particulière en France, comme on a pu encore l’entendre récemment.

Comment interprétez-vous cette stabilité du phénomène dans le temps ?

Elle nous pose la question de l’efficacité du système de protection sociale et des explications du non-recours. On a souvent dit qu’il serait lié à la montée en charge des dispositifs mais pour le RSA par exemple, cette explication ne tient plus. De plus, il faut dépasser les causes individuelles pour regarder du côté des raisons organisationnelles et professionnelles. Ainsi, à partir de nos travaux, nous distinguons à l’Odenore quatre registres explicatifs du non-recours :
- la non-connaissance, qui concerne l’information sur la prestation, sur les conditions d’éligibilité mais aussi sur les procédures et démarches pour la demander,
- la non-demande, si la demande apparaît par exemple comme un processus coûteux en temps, en argent, en démarches, mais aussi lorsque le recours à une aide provoque de la stigmatisation sociale,
- la non-réception, qui s’observe dans les blocages administratifs, lors de déménagement et de changement de CAF par exemple,
- la non-proposition, lorsque l’offre sociale n’est pas proposée ou n’est pas activée par les professionnels.

Il faut adapter les organisations et les postures pour lutter contre le non-recours

Qu’est-ce qui permet de comprendre cette non-proposition ?

Les professionnels de l’aide sociale peuvent jouer un rôle de filtre. Ils peuvent ne pas proposer par méconnaissance de l’aide, parce qu’ils en ont intégré le caractère contingenté des aides et le fait « qu’il n’y en aura pas pour tout le monde », qu’ils sont focalisés sur d’autres priorités ou craignent de voir les demandes augmenter. C’est parfois par bienveillance qu’ils ne proposent pas, estimant que certains publics ne sont pas « prêts » à la recevoir et doivent au préalable, par exemple, stabiliser leur situation familiale ou s’inscrire dans une logique de projet de vie. Dans d’autres situations, certains peuvent être réticents face à des demandes qui ne porteraient que sur l’aide financière, sans une volonté suffisamment affichée d’engagement des personnes et sans que leur propre rôle d’accompagnement soit jugé suffisant. Ils peuvent aussi être en désaccord avec le principe d’action contre le non-recours, considérant que l’accès aux droits relève de la responsabilité des publics eux-mêmes. Ce pouvoir discrétionnaire des agents de proximité lève surtout un enjeu d’invisibilité des besoins. Par exemple, ne pas faire remonter certains besoins, en n’orientant pas les personnes vers les dossiers de DALO (droit au logement opposable), parce qu’on anticiperait un refus des dossiers, conduit à sous-estimer le besoin.

Quels leviers d’amélioration suggère cette analyse des causes du non-recours ?

Il y aurait de nombreuses réponses. On voit en particulier un fort besoin de formation des agents sur les postures à adopter vis-à-vis de ces publics en non-recours, pour identifier dans la pratique quotidienne ces situations et développer des réflexes de détection.
Plus globalement, le non-recours invite à revisiter le rapport au public. La non-demande ou le refus de l’offre notamment peuvent être une expression politique qui questionne la pertinence des offres elles-mêmes et qui donne à voir la critique que les personnes font de ce qu’on leur propose. Pour la prévenir, on pourrait développer des démarches participatives impliquant les personnes concernées dans la définition de l’offre. Pour l’instant, c’est très marginal au-delà d’actions portant sur la communication et la simplification des supports de communication. C’est un chantier qui reste ouvert tant au niveau local que national. Dans le cadre du collectif Soif de connaissances, cette logique de participation des personnes concernées à la formation, avec des formateurs, des travailleurs sociaux, et des chercheurs, a pu être expérimentée.

Point de départ

La lutte contre la pauvreté fait partie des sujets sur lesquels le Centsept, laboratoire indépendant d’innovation sociale, souhaite faire travailler collectivités, acteurs privés, institutions et associations. Le non-recours constituait un angle prégnant localement compte tenu de la complexité du système d’aide, du taux élevé de non-recours et de l’absence d’action collective pour traiter localement ce problème. « L’incitation à lancer des expérimentations de Territoire Zéro Non-recours (TZNR) portée par La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a fourni un objet suffisamment précis pour mobiliser largement les acteurs du territoire de la métropole lyonnaise », explique Fabienne Delahaye, cheffe de projet innovation sociale du Centsept.

Une expérimentation d’un an

L’expérimentation, qui bénéficie notamment de financements dans le cadre de l’appel à projets de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, mobilise une vingtaine d'acteurs publics, privés ou associatifs de l'accès aux droits : métropole, CCAS, associations, CAF, CPAM, entreprises privés délégataires de service public (Keolis, EDF…). En janvier 2020 et pendant 6 mois, ces derniers ont participé à des ateliers de design-thinking partant des expériences des usagers pour imaginer collectivement un dispositif améliorant l’accès aux droits. « La présence dans ces ateliers d’associations au contact des publics précaires comme ATD Quart Monde et les entretiens menés avec d’autres associations sur le terrain, ont permis d’ancrer la réflexion sur les problématiques et attentes réelles des bénéficiaires, » précise Fabienne Delahaye. 7 ateliers mixant les divers points de vue et permettant de ne stigmatiser ni les personnes ni les institutions, ont permis de mettre en place le TZNR le 13 octobre 2021 pour une durée d’un an.

Deux nouvelles fonctions

Le TZNR se concrétise par la création de deux nouvelles fonctions :
•    Un ambassadeur des droits, représenté par l’association Passerelle Administration, va vers les personnes en situation de précarité afin de les aiguiller. Il assure des permanences pour réaliser les bilans de droits à raison de deux permanences hebdomadaires, le mercredi et le jeudi.
•    Un coordinateur ressources, représenté par le PIMMS Lyon Métropole, facilite l’orientation entre professionnels et mutualise les connaissances. Le coordinateur n’est lui pas en lien avec les publics mais avec les travailleurs sociaux et les bénévoles. Il favorise la remontée des problématiques concrètes au niveau de l’ambassadeur et peut animer des ateliers avec les institutions pourvoyeuses de droits si la question nécessite plus que de l’information.

Valeur ajoutée

L’ambassadeur est présente sans le quartier et peut entrer facilement en contact avec les bénéficiaires au pied des immeubles, ou les acteurs lieux de vie du quartier (commerces, gardien d’immeuble, pharmacie…) afin de créer un bouche-à-oreille faisant connaître la démarche. Ces rencontres permettent de proposer des bilans de droits (rendez-vous au cours desquels tous les sujets (emploi, retraite, énergie…) sont abordés au-delà de la demande initiale). Ce bilan complet de la situation permet à chacun de repartir en sachant à quelles aides il peut prétendre, à qui s’adresser et quels documents préparer. « Prendre la personne dans son intégralité en allant vers elle et en l’écoutant parler de ses besoins permet de supprimer la distance, d’instaurer un échange d’égal à égal et de créer la confiance, » analyse Fabienne Delahaye.

Perspectives

Lancée en octobre dernier sur le territoire de Moulin à Vent à Vénissieux, l’expérimentation TZNR essaime depuis mars 2022 à Villeurbanne la Perralière/Monod. De quoi permettre de comparer les mises en œuvre dans différents territoires et d’en tirer d’autres enseignements. À la fin de l’expérience, dans un an, un kit de déploiement sera créé et diffusé.

Les dispositifs de la démarche d’aller vers

La ville a structuré son approche d’« aller vers » en développant des dispositifs dédiés sur certaines thématiques (juridique, logement) plus problématiques ou certains publics plus difficiles à toucher (personnes à la rue).
- La « caravane des droits » est constituée d’une équipe itinérante et pluridisciplinaire de professionnels chargés d’aller à la rencontre des publics les plus éloignés des institutions, et donc en non-recours potentiel. Elle a une vocation d’information généraliste sur les droits sociaux légaux et les droits fondamentaux, mais aussi une vocation de premier accueil inconditionnel délocalisé.
- L’équipe juridique mobile (EJM) va au-devant des publics prioritaires au recours à la loi : DALO / DAHO et le service « Aller-vers accès aux droits » (Avaad) du CCAS sont réunis au sein d’une « plateforme aller-vers » qui accompagne les personnes dans leur démarches administratives et lutte contre le non-recours.
- La « coordination errance » a été mise en place au sein de cette plateforme pour croiser les regards des professionnels de l’action sociale afin de mieux accompagner les personnes à la rue repérées au cours de maraudes.

Face au non-recours, l’approche doit être globale et les organisations plus souples

Le non-recours comme point d’entrée

Si le dispositif s’enrichit en fonction des situations rencontrées, la démarche s’appuie toujours sur la prise en compte des besoins des personnes dans leur intégralité en tentant d’apporter une réponse complète. « Crise sanitaire, dématérialisation, fermeture des guichets… les besoins sont de plus complexes et il n’est pas possible de séparer les problématiques », explique Yolanda Pardo, directrice de projets accès aux droits et développement social pour la ville de Grenoble. Compte tenu de la difficulté d’obtenir un rendez-vous avec les assistantes sociales du département ou les accueils administratifs, les écrivaines publiques assument dans les maisons des habitants et dans les dispositifs d’aller vers, des missions d’accompagnement et de suivi qui ressemblent de plus en plus à celles des travailleurs sociaux.  

Coopérer et faire bouger les lignes

Au-delà de la globalité de l’approche, la transversalité et la souplesse sont clés dans l’approche du non-recours. « Chez nous la culture de la transversalité a été renforcée par le contexte de crise sanitaire mais elle n’est pas encore partagée par toutes les administrations. Dans leurs démarches, les écrivaines publiques essaient, en porte-parole des bénéficiaires, de pousser à la création de canaux de communication plus directs avec les assistantes sociales du département et les agents instructeurs des autres administrations, » ajoute Yolanda Pardo. Parfois avec succès, comme avec la CPAM (qui a mis en place une ligne urgence précarité), l’administration fiscale ou Pôle Emploi... « C’est encore difficile avec certaines administrations comme la Préfecture. Pourtant, quand l’approche est partagée, elle permet de débloquer les situations rapidement sans inonder de demandes abusives les agents qui délivrent les aides. C’est une approche gagnante pour tous, » assure Yolanda Pardo.

Afin d’engager une réflexion pour accompagner les collectivités territoriales aux enjeux et impacts du non recours dans leur action, une collaboration s’est développée dès 2015 entre l’INSET d’Angers et l’Odenore. Ce travail a abouti à la création d’un stage dédié pour les cadres de l’action sociale. Cette offre a par la suite été complétée par l’inscription d’un stage sur l’accès aux droits dans l’itinéraire travailleuse et travailleur social :

Les stages sur la thématique spécifique du non-recours
•    L’accès aux droits et aux services en travail social pour les travailleurs sociaux
•    Les enjeux du non-recours aux droits et aux services publics pour les cadres

Plus globalement, c’est à travers un ensemble de formations dédiées à la question de l’accès aux droits, renforcés dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, que le CNFPT permet aux collectivités locales de faire évoluer leur organisation et les postures des agents. Cela se traduit concrètement par l’intégration de démarches d’aller vers, de logiques d’inclusion numérique mais aussi de coordination partenariale…

Les stages liés au non-recours et à l’accès aux droits
•    La démarche d’aller-vers dans l’action sociale : des enjeux à la mise en œuvre pour les travailleurs sociaux
•    L’inclusion numérique dans l’accompagnement social : enjeux, outils et évolution des pratiques pour les travailleurs sociaux
•    La grande pauvreté : repérer les publics invisibles pour mieux des accompagner pour les cadres

Les stages liés au partenariat et à la coordination entre acteurs
•    Le travail en partenariat au service de l’accompagnement social pour les travailleurs sociaux
•    De l’analyse des besoins sociaux au projet social de territoire pour les travailleurs sociaux
•    La gouvernance territoriale de l’action sociale : décloisonnement des acteurs et territorialisation pour les directeurs ou directrices et cadres chargés de l'action sociale
•    Le partenariat dans les parcours d’insertion sociale et professionnelle pour les cadres
•    La conduite d’un projet social de territoire pour les directeurs ou directrices et cadres chargés de l'action sociale

Vous pouvez retrouver toutes les informations sur les stages et services proposés dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté dans le catalogue thématique édité par le CNFPT. Découvrez également un dossier consacré à l’exclusion et l’accès aux droits présentés dans un document traitant plus largement la lutte contre les exclusions, la pauvreté et la précarité.

« Le CNFPT renforce son accompagnement sur le non-recours»

Soazic Lemercier et Touria Arab-Leblondel, Responsables nationales de spécialités Inclusion Sociale à l’INSET d’Angers.
« Les collectivités bénéficient déjà de la complémentarité des stages inclusion numérique, lutte contre les exclusions, mal logement, précarité alimentaire énergétique et d’événementiels proposés par les différentes délégations en région. A la lumière de ce que nous avons fait pour les travailleurs sociaux et les cadres depuis l’annonce de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous allons faire progresser l’offre pour mieux accompagner les intervenants sociaux en CCAS et Conseil départemental. Nous travaillons actuellement sur un itinéraire de formation pour les chargés d’accueil qui réunira les outils et formations utiles pour travailler dans la logique du non-recours. »